On décrypte la mal-adaptation
Dans le mot mal-adaptation, il y a “adaptation”. Quand on s’adapte, on s’ajuste à un nouvel environnement en modifiant quelques éléments dans le but de perdurer. C’est ce que l’être humain ainsi que la nature ont toujours fait à travers ses instincts de survie.
Et de nos jours, rien de bien différent : nous devons nous adapter au changement climatique.
Impact, adaptation et vulnérabilités. C’était le titre du 6e rapport du GIEC, paru en 2023.
Rappel #1
Le GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) est un organisme intergouvernemental chargé d'évaluer l'ampleur, les causes et les conséquences du changement climatique en cours. Les rapports du GIEC fournissent un état des lieux régulier des connaissances les plus avancées sur le climat, notamment dans le but d’alerter les décideurs et la société civile.Ce 6ème rapport du GIEC mettait donc un point d’honneur à considérer l’adaptation au changement climatique au même niveau que l’atténuation des gaz à effet de serre.
Rappel #2
Atténuation VS adaptation :
- l’atténuation = intervention humaine pour réduire les sources ou augmenter les puits de gaz à effet de serre.
- l’adaptation = démarche d’ajustement au climat actuel ou attendu, ainsi qu’à ses conséquences.
Des politiques d’adaptation sont donc mises en place, mais certaines posent déjà problème.
On parle alors de mal-adaptation pour désigner des fausses bonnes idées d’adaptation au changement climatique. C'est-à-dire lorsque ces fameuses politiques d’adaptation produisent in fine des effets néfastes et non désirés sur des écosystèmes ou même des populations.
Des experts scientifiques lui ont donné cette définition : « La maladaptation est le résultat d'une politique ou d'une mesure d'adaptation intentionnelle, qui augmente directement la vulnérabilité des acteurs ciblés et/ou d’autres acteurs, et/ou qui érode les conditions nécessaires à un développement durable ».
En résumé, ces actions sont pensées pour lutter contre le changement climatique mais, qui en réalité, vont à contre-sens.
Suite à une étude, des chercheurs ont identifié 3 types de mal-adaptation :
1 - Les actions qui renforcent des vulnérabilités existantes.
L’exemple des climatiseurs
Nos étés sont de plus en plus chauds et les ventes de climatiseurs ne font que progresser. Mais ces systèmes sont de vrais cercles vicieux, car il rejette de l’air chaud et des gaz à effet de serre, renforçant ainsi le changement climatique et donc les risques de vague de chaleur.
La climatisation peut aussi renforcer la vulnérabilité face aux canicules.
« Compter principalement sur la climatisation pour limiter les impacts d’une canicule signifie que toute coupure de courant engendrera d’importants effets sanitaires. C’est ce que l’on a pu observer aux Etats-Unis, à l’été 2021 par exemple, où le pic de demande de climatisation et les difficultés à produire de l’électricité lorsqu’il fait chaud ont engendré de nombreuses coupures » - Vincent Viguié, chercheur en économie de l’adaptation au changement climatique au CIRED.
Miser sur la climatisation pour affronter les vagues de chaleur nous empêche donc d’explorer d’autres pistes d’adaptation plus durables.
2 - Les actions qui déplacent des vulnérabilités.
L’exemple des digues
Dans les zones exposées à la montée des eaux, on installe des digues. Le but : protéger les habitants grâce à de longues constructions destinées à contenir les eaux.
Sauf qu’en réalité, ce système ne fait que “déplacer” le risque en dehors des zones protégées par les digues. De plus, la construction de protections artificielles peut également nuire aux écosystèmes côtiers (mangrove, herbiers, marais, etc). Les digues et enrochements peuvent entraîner une modification de l’environnement naturel pour la biodiversité locale. "Plus que l’érosion côtière, c’est la lutte contre l’érosion côtière qui constitue une menace pour la biodiversité et les fonctionnalités des écosystèmes” - étude du GIP Littoral Aquitain, 2012.
L’exemple du “fill and build“ aux U.S.
Le fill and build consiste à surélever des terrains pour permettre de construire des maisons à l’abri des inondations, pour ceux qui en ont les moyens. Seulement, les eaux de pluie qui s’écoulent des lots surélevés inondent les maisons et rues voisines, ce qui met les autres résidents encore plus en danger en cas d’ouragans et d’inondations.
Les actions qui créent de nouvelles vulnérabilités.
Dans les zones victimes de fortes sécheresses, on opte de plus en plus pour l’irrigation des terres afin de maintenir, voire augmenter, la productivité agricole. Si l’irrigation apporte des avantages à court terme, ce système n’est pas durable. Si la fréquence des sécheresses augmente, la disponibilité en eau dans les nappes phréatiques continuera de baisser. On ne fait qu’augmenter la dépendance à l'égard d'une eau qui n'est pas garantie sur le long terme et enferme les populations dans des situations à risque.
Alors comment mieux s’adapter au changement climatique ?
Parler d’adaptation ne veut pas dire laisser tomber nos efforts pour atténuer les effets du réchauffement climatique. Chaque degré compte et on va vite s’en rendre compte.
Mais il est tout aussi nécessaire de mieux penser notre adaptation en considérant les projets dans leur globalité, sur le long terme et en prenant en compte les inégalités et vulnérabilités. Les approches sont trop théoriques aujourd’hui.
“Le défi de l’adaptation au changement climatique est qu’il s’agit autant d’un processus que d’un résultat. Puisque le climat ne cesse de changer, les stratégies d’adaptation elles-mêmes doivent être adaptatives.” - Lisa Schipper, chercheuse en sciences de l’environnement.
Pour lutter contre certaines conséquences malheureusement inévitables, il existe des politiques d’adaptation locales, nationales et internationales.
Elles définissent des leviers d’actions tels que :
- choisir des cultures plus résistantes à la sécheresse,
- redonner plus de place à la nature en ville pour lutter contre les vagues de chaleur et la pollution,
- rénover les bâtiments énergivores (gros chantier du moment en France)
- désimperméabiliser les sols,
- délocaliser certaines infrastructures en dehors des zones inondables.
Ce qui est sûr, c’est que pour une vraie transition écologique, nous devons mettre en place autant de politiques d’atténuation que d’adaptation au réchauffement climatique.
Nous nous sommes adaptés jusqu’à aujourd'hui, continuons !
Aller plus loin : l’étude de Carbon Brief sur la mal-adaptation.