Culture
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Zoom sur … L’impact écologique de l’industrie musicale

Publié le
19 juin 2024
Auteur(s)
Marina Yakovlev
Marina Yakovlev
Fondatrice d'EcoYako & Co-fondatrice de "Pour plus de climat dans les médias"

Vendredi, c’est la fête de la musique. L’occasion de se pencher d’un peu plus près, entre deux pas de danse, sur le “4ème art”. Entre impact environnemental et prises de position fortes, où en est aujourd’hui le secteur de la musique dans sa transition écologique ?

Des artistes et des festivals déconnectés des réalités climatiques

Faire la fête peut parfois sembler anodin (et nécessaire), mais pour autant, cela n’est pas sans impact sur l'environnement. Transports des artistes et du public, produits dérivés, groupes électrogènes, boissons et alimentations, plastique à usage unique, montagne de déchets, … Un festival de 50 000 spectateurs en France émet 1000 tonnes de CO2 selon une étude d’Eneris publiée en 2011, soit l’équivalent de 565 allers-retours Paris-New-York en avion.

Répartition des émissions de gaz à effet de serre pour un grand festival en France

Et les artistes ne sont pas en reste lorsqu’ils partent en tournée : en 2023 Taylor Swift a parcouru 7 fois le tour de la planète avec son jet privé (rien que ça !), et a émis 1200 tonnes de CO2, soit 83 fois plus que l’empreinte carbone moyenne d’un citoyen américain.

Capture d’écran d’une vidéo retraçant les trajets en jet privé de Taylor Swift en 2023 - Planesanity

Trop, c’est trop : quand des artistes et organisateurs partent en croisade contre l’avion

Face à un tel impact environnemental, de plus en plus de voix s’élèvent pour demander une rationalisation des tournées des artistes. En effet, au regard de la situation climatique actuelle, il n’est plus acceptable qu’un artiste se permette de faire un concert à Rio un soir et un autre à Paris le lendemain, pour jouer le surlendemain à Buenos Aires. A une échelle plus micro, il ne fait pas non plus sens pour un artiste de jouer à Paris un soir, à Londres le lendemain et à Brest le surlendemain.

En mai dernier, l’artiste I Hate Models a ainsi été déprogrammé par les organisateurs du festival électro Le Bon Air à la Friche Belle de Mai à Marseille, un lieu emblématique de la scène écologique et culturelle de la cité phocéenne. La cause de cette déprogrammation ? La volonté du DJ de se rendre au festival en jet privé, pour pouvoir assurer dans la même soirée un set en Allemagne et à Marseille. Les organisateurs ont expliqué leur choix de déprogrammer l’artiste dans un communiqué de presse : “ce moyen de transport ultra polluant consomme 50 fois plus de CO2 qu’un train. C’est une aberration écologique, économique et sociale que nous refusons systématiquement”.

En France, la DJ et productrice techno Anetha a fondé l’agence de DJs technos Mama Loves Ya, avec pour ambition de réduire les émissions carbones des DJs qu’elle représente de 25 à 43%, notamment en optant pour le train en priorité et en rationalisant du mieux possible les tournées des artistes. 

Du mieux possible ? Eh oui, car malheureusement, avec toute la bonne volonté du monde, les artistes ne sont pas 100% libres quant au choix du lieu de leurs concerts. En effet, de nombreux festivals et salles font signer aux artistes des clauses d’exclusivité qui leur interdit de faire plus d’une date dans un laps de temps donné dans tel pays ou dans telle région, les empêchant d’optimiser leurs tournées. Une pratique de plus en plus décriée par les acteurs du monde de la musique, poussant certains à demander, dans une tribune publiée au début du mois de juin, “la régulation des contrats et la limitation des clauses d’exclusivités géographiques pour les représentations artistiques”.

Réduire le bilan carbone : nouvelle boussole de l’industrie musicale

A l’image des organisateurs du Bon Air Festival et d’Anetha, de plus en plus d’acteurs de l’industrie musicale se mobilisent pour réduire leurs empreintes environnementales.

C’est le cas notamment du groupe de musique Coldplay. En novembre 2019, le groupe annonce l’annulation de leur tournée pour des raisons écologiques, notamment l’empreinte carbone générée par les quatre musiciens. Trois ans plus tard, le groupe revient en mars 2022 au Costa-Rica pour lancer une nouvelle tournée “éco-responsable”, avec pour objectif de réduire leur bilan carbone d’au moins 50%. Deux ans après, les résultats sont sans appel : le groupe britannique a annoncé avoir réduit de 59% les émissions de gaz à effet de serre de ses concerts par rapport à leur tournée de 2016-2017. Une baisse rendue possible notamment grâce à l’installation de pistes de danse cinétiques, produisant de l’électricité lorsque le public saute et danse dessus, utilisée ensuite pour alimenter la scénographie.

Autre exemple, plus radical cette fois, le choix du groupe Shakaponk, historiquement engagé pour la justice climatique et sociale, de se séparer à la fin de leur tournée “Final Fuckep Up Tour”, en raison justement de l’impact écologique de leur vie d’artistes. 

Le problème, c'est que Shaka a grossi, est devenu de plus en plus gros. (...) On ne peut pas raconter ce qu'on raconte dans nos chansons, (...) tenir ce discours et avoir un million de personnes qui viennent. Il faut réinventer notre activité professionnelle” a ainsi déclaré le groupe sur le plateau de C à vous.

Les artistes et les fans s’engagent pour la cause écologique

Certains diront qu’un artiste se doit de garder son opinion pour lui, de ne pas partager sa vision du monde et de l’actualité avec son public. D’autres diront que l’art est politique, qu’un chanteur, à travers les mots choisis dans sa chanson, véhicule un message, une certaine vision de la société. En tous les cas, force est de constater que de plus en plus d’initiatives émergent au sein de la scène musicale pour faire la lumière sur l’urgence écologique dans laquelle nous nous trouvons.

C’est le cas notamment du mouvement No Music on a Dead Planet, composé d’artistes, de professionnels de l'industrie musicale et d’organisations, et lancé par le collectif Music Declares Emergency en 2019, qui alerte sur l’urgence climatique et écologique actuelle, et appelle une réponse immédiate du gouvernement britannique pour protéger toute vie sur Terre.

On peut également citer la super star Billie Eilish, qui a offert des places de concerts à ses fans les plus investis dans la protection de l’environnement (nombre de pétitions signées, nombre de lettres envoyées aux politiques concernant des décisions environnementales, ...) lors de sa tournée “Where Do We Go ?” en 2020. Autre figure de l’engagement des artistes pour la protection du vivant, la chanteuse Björk, qui en 2015, déjà, annulait un concert prévu au Iceland Airwaves Festival pour tenir à la place une conférence de presse dans le but de dénoncer la construction d’un pipeline géothermique entre l’Islande et le Royaume-Uni. La même Björk qui en novembre 2023 a sorti un feat avec Rosalía pour dénoncer l’élevage de saumons intensif en Islande et récolter des fonds pour une association luttant contre ces pratiques. 

Si les artistes sont de plus en plus nombreux à s’engager pour les causes écologiques, le militantisme est parfois aussi à chercher du côté des fans, à l’instar des fans de K-pop qui mobilisent leurs communautés en ligne pour protester contre les accords commerciaux liés au charbon, pour appeler les artistes de K-pop à réduire les déchets et pour sensibiliser le public aux problèmes liés au climat.

Et donc on fait la fête où cet été ?

Maintenant que l’on a fait le tour de l’impact écologique de l’industrie musicale, et des initiatives qui émergent pour le réduire, une question vous brûle sûrement les lèvres : dans quel festival aller cet été pour danser tout en respectant mère nature ?!

Accessible en mobilité douce, repas végétariens, énergie renouvelable, optimisation de l’utilisation de l’eau, choix des artistes (et de leurs moyens de transports), village des associations, conférences … Voici une sélection de festivals qui font de leur mieux pour limiter leur empreinte environnementale, tout en inspirant positivement la société !

Et pour que vous puissiez swinguer ce soir tout en conscientisant vos amis, EcoYako vous a concocté une playlist 100% écolo spéciale fête de la musique : https://www.youtube.com/watch?v=srb0lAK5wbA&list=PLXk2hdzVC7YtYmCTw3KbFY8e0PUYLvdWC