On décrypte la neutralité carbone : ça veut dire quoi ?
Vous avez sûrement déjà lu « ce produit est neutre en carbone » ou encore entendu dire que la France compte « atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050 », non ?
« Être neutre en carbone », qu’est-ce que ça veut dire ?
Contrairement à ce qu’on pourrait penser à première abord, neutralité carbone ne veut pas dire zéro émissions de gaz à effet de serre. Selon la définition du Parlement Européen, on parle de "l’équilibre entre les émissions de carbone et l'absorption du carbone de l'atmosphère par les puits de carbone".
C’est-à-dire que toutes les émissions de gaz à effet de serre doivent être compensées par la séquestration du carbone par les puits de carbone naturels (océans, forêts, sols) ou des procédés industriels (par exemple, en piégeant les molécules de CO2 avant, pendant ou après l'étape de combustion afin d'éviter sa libération dans l'atmosphère).
Quand la France annonce vouloir atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, cela correspond aux enjeux climatiques, se basant essentiellement sur les travaux du GIEC et les Accords de Paris.
Rappel : c’est quoi les Accords de Paris ?
L'Accord de Paris est un traité international adopté par 196 Parties lors de la COP21 en 2015. Il s’agit d’un ensemble d'engagements internationaux visant à maintenir « l'augmentation de la température moyenne mondiale bien en dessous de 2°C au-dessus des niveaux préindustriels » et de poursuivre les efforts « pour limiter l'augmentation de la température à 1,5°C au-dessus des niveaux préindustriels ». Ces accords encouragent les pays à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et à promouvoir des efforts pour s'adapter aux impacts du changement climatique.
Rappel : c’est quoi le GIEC ?
Le GIEC, ou Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, est une organisation créée par les Nations Unies pour évaluer les données scientifiques sur le changement climatique. Le rôle principal du GIEC est de fournir des rapports basés sur des recherches scientifiques approfondies afin d'informer les décideurs, gouvernements et le grand public des impacts du changement climatique, des causes humaines et des solutions possibles.
La neutralité carbone à l’échelle d’un pays
Pour obtenir la neutralité carbone, les Etats doivent mettre en place la Stratégie SNBC dans l’ensemble de leurs politiques publiques. Il s’agit d’une feuille de route qui indique quelles actions mener pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre.
On le rappelle, atteindre la neutralité carbone ne signifie pas zéro émission de CO2. On va chercher à réduire nos émissions et donc notre empreinte carbone.
Par exemple en France, on va agir sur :
- la fin de la vente de véhicules légers thermiques en 2040
- l’efficacité énergétique et l’accélération des rénovations
- le développement de l’agro-écologie
- les technologies bas carbone
- les énergies renouvelables,
- le développement de l’économie circulaire, etc.
Rappelez-vous, dans l’équation de la neutralité carbone, on parle de l'absorption des émissions carbone. La SNBC propose un plan d'actions pour « augmenter les puits de carbone (naturels et technologiques) d’un facteur 2 par rapport à aujourd’hui ». Ce qui induit alors la restauration et la préservation de nos puits de carbone naturels tels que les océans, les forêts et les sols.
Atteindre la neutralité carbone en tant qu’entreprise
Vous commencez à comprendre, la première étape de la neutralité carbone c’est de réduire ses émissions de gaz à effet de serre.
Les entreprises évaluent alors leur empreinte carbone puis mettent en place une politique de développement durable afin de réduire leurs émissions directes. Par exemple, leurs moyens de transport ou la production d’énergie associée à la fabrication d'un produit. Pour aller au bout de la démarche, l’entreprise doit également agir sur ses émissions indirectes, c’est-à-dire celles provenant de ses fournisseurs et sous-traitants.
Pour une entreprise, atteindre la neutralité carbone signifie également compenser ses émissions :
- en développant des absorptions de carbone au sein de sa chaîne de valeur
- et/ou en finançant des projets de compensation carbone.
Il y a bien sûr un risque qu’une organisation s’engageant à atteindre la neutralité carbone ne s’attarde que sur des projets de compensation au lieu de faire un réel effort de réduction de son impact sur l'environnement.
L’ADEME estime d’ailleurs que le potentiel de la compensation carbone est limité et qu’elle ne doit être envisagée qu’en « dernière étape dans une stratégie de décarbonation ».
Alors attention aux beaux discours, notamment sur les produits indiquant « neutre en carbone », un produit à lui seul ne peut pas être neutre carbone.
Exemple : Apple a dernièrement présenté son « tout premier produit neutre en carbone », l’Apple Watch série 9. 100 % de l’électricité utilisée dans la fabrication de la montre est issue d’une électricité 100 % propre. En réalité, Apple (entreprise aux gros moyens) a investi suffisamment dans l’énergie renouvelable pour couvrir l’empreinte électrique utilisée pour fabriquer cette montre « neutre en carbone ».
Pour les autres émissions qu’Apple n’a pas pu réduire complètement, elle a compensé en achetant des crédits carbone forestiers, une mesure aux airs de greenwashing portant atteinte à la crédibilité de l’étiquetage « neutre en carbone ».
La neutralité carbone est une mesure intéressante pour guider les pays vers une atténuation de leurs émissions mais les entreprises aux gros moyens peuvent malheureusement en jouer. En achetant des crédits carbone à gogo, elles peuvent continuer d’émettre autant de gaz à effet de serre, voir davantage.
Sources :
- Qu'est-ce que la neutralité carbone et comment l'atteindre d'ici 2050 ? - Site du Parlement Européen
- Net Zero Initiative - Un référentiel pour une neutralité carbone collective - cabinet Carbone 4
- La Stratégie Nationale Bas Carbone pour les nuls (et les moins nuls) - hellocarbo.com
- Comment Apple a créé son premier produit « neutre en carbone » - cnbc.com